Patrimoine

IMG_2403 Le collège ROGER-VERCEL appartient au Département des Côtes-d’Armor et à la Ville de Dinan. C’est un établissement scolaire du ministère de l’Education Nationale. Il accueille 600 élèves de la 6e à la 3e.

Mais quelle en est l’origine ? Pourquoi un collège public dans un couvent ? Faisons un peu d’histoire !

1) Au milieu du cloître Regardez le Cloître, cintres, chapelle, clocher, chœur, jardin

Au Moyen-Age, DINAN est une ville fortifiée riche et active. Nombreux couvents. Ateliers et Commerce : toiles, cuirs. Carrefour de voies de communication. Imaginez que nous sommes en l’an 1620. Ce quartier est un grand jardin sans construction qui appartient au couvent des Jacobins (d’ou le nom du théâtre) En 1628, des Bénédictines de ST MALO achètent un terrain aux Jacobins et implantent le couvent Notre Dame de la Victoire (du nom de la victoire de LEPANTE : en 1571, une flotte chrétienne détruit la flotte turque.) 1631, est construit ce beau cloître au milieu des potagers, champs, pâtures et friches, avec un petit jardin au milieu, où poussent les plantes aromatiques, médicinales et les légumes dont ont besoin les moniales. Au rez-de-chaussée un promenoir ouvert dont on voit les piliers comme à Léhon. Au premier, le dortoir des moniales, d’une extrême simplicité. Le couvent se développe moins bien que les autres couvents de Dinan mais réussit quand même à s’étendre en construisant 2 nouveaux bâtiments : Vers 1665,viendront s’ajouter la Chapelle (avec son clocher qui ressemble aux autres clochers de Dinan en plus petit mais en plus joli ! Il est classé Monument historique) et le réfectoire. Celui-ci recevra son magnifique décor en 1680 : la fresque !

2) Fresque _dsc1202 (1)

Le réfectoire des Bénédictines est la grande salle où elles se retrouvent pour tous les moments collectifs : repas, prières, offices. Elles assistent aux offices grâce à la claire-voie qui donnait directement sur l’autel de la chapelle. Au plafond en voûte, une fresque peinte en 1680, cachée par un enduit probablement en 1777 lorsque cette salle est devenue le réfectoire du collège de la ville de Dinan, redécouverte par hasard en 1964 (un morceau est tombé, laissant voir un bout de peinture) et classé monument historique en 1981 puis restauré entre 1982 et 1985. Le chœur des sœurs a été entièrement restauré pendant l’été 2007, la chapelle l’a été en 2014 (elle avait servi de gymnase).

La fresque montre :

  • De belles couleurs dorées, une décoration riche, une peinture influencée par la Renaissance Italienne.
  • 3 étapes de la « genèse » : la création du monde d’après les chrétiens (Dieu sépare la lumière et les ténèbres, Il sépare l’eau et la terre, il lance dans le ciel la lune et le soleil.)
  • Les deux Saint Benoît qui ont écrit puis reformé la « règle » de l’ordre des bénédictions,
  • Quatre Docteurs (c’est à dire savants) de l’église (Jérôme, Grégoire, Augustin et Ambroise).
  • Saint Bernard en blanc et un personnage inconnu en noir (probablement Saint Bernard).
  • La vie de sainte SCHOLASTIQUE patronne des Bénédictines (novice puis simple religieuse, en extase, en patronne ayant rédigé la « règle » et la faisant appliquer d’un geste autoritaire de l’index) Ces 4 tableaux sont juste en face des fenêtres. Remarquer qu’il y a des livres partout. Remarquer que tous les personnages sont peints dans des tableaux, sauf Sainte Scholastique qui est plus proche de nous, accoudée à la rambarde.

3) Cour d’honneur  : bâtiment d’honneur, pavillon d’entrée, jardin, puits, clocher

Cour d’entrée du collège, in Ch. Bellier-Dumaine, Histoire du collège de Dinan, Rennes, Oberthur, 1897 (Coll. Bibliothèque municipale de Dinan)

Cour d’entrée du collège, in Ch. Bellier-Dumaine, Histoire du collège de Dinan, Rennes, Oberthur, 1897 (Coll. Bibliothèque municipale de Dinan) (ATTENTION : Le monument aux morts date de 1922. Il a remplacé un petit kiosque à musique qui avait été construit sur le puits des moniales ! )

En 1746 un grave incendie ravage une partie du quartier et des bâtiments des bénédictins. Il provoque la faillite du couvent et le départ des Bénédictines en 1772. Le couvent est à l’abandon. Mais alors, pourquoi un collège ? Parce qu’il en existait déjà un à Dinan, mais qui n’avait pas de locaux adaptés.

Au XIVe siècle La ville de DINAN fonde l’ÉCOLLE (sic), un des 9 premiers Collèges de Bretagne. Il se trouve près de la porte SAINT MALO. La rue prend le nom de rue de l’École qu’elle a gardé aujourd’hui encore. C’est l’un des plus réputés de Bretagne. Le premier document écrit le concernant date de 1517.

Ce collège est municipal, piloté par la Communauté de la Ville de Dinan et non par un ordre religieux ou l’évêché. Mais dont les régents (les professeurs) sont des prêtres parce que ce sont les gens cultivés et disponibles pour l’enseignement. Du XIVe au XVIIIe, le Collège municipal rayonne sur tout le pays de Saint BRIEUC à DOL. Il s’agrandit et change plusieurs fois de lieux (rue de l’Ecole, Place du champ) et doit chercher encore vers 1750 un nouveau bâtiment. Justement, souvenez-vous ! il y a un couvent vide et ruiné : le couvent des Bénédictines, rue de Léhon. D’un côté un collège municipal qui se développe. De l’autre un couvent en ruine. L’Evêque de Saint-Malo, Mgr Des Laurents et la Ville se mettent d’accord en 1775 pour y installer le collège. A la condition que le collège porte le nom de l’Evêque ! Nom qu’il portera jusqu’à la Révolution.

En octobre 1777 le collège municipal s’installe rue de Léhon. Ce qui nécessite de nombreux travaux, en particulier : on construit un bâtiment d’entrée et des classes et des dortoirs pour les internes (le long bâtiment rue de Léhon), le début du bâtiment d’honneur. Un mur subsiste à l’emplacement actuel des marches. Le collège garde (jusqu’à la Révolution) ce double aspect : Ce n’est pas un collège religieux (puisqu’il dépend de la Municipalité), mais son personnel est composé de religieux (cultivés et disponibles).

LA RÉVOLUTION

Ces religieux refusent de prêter serment à la constitution. Le Collège est fermé (18 juillet 1791) et les régents condamnés aux galères. Au passage, voici l’origine de l’autre grand établissement scolaire de Dinan : L’un de ces religieux « réfractaires », l’Abbé Berthier, anciennement professeur du collège municipal, au retour de cet exil forcé, rachètera début XIXe à un bourgeois dinannais les locaux d’un ancien couvent désaffecté, celui des Cordeliers. Il yfondera un petit séminaire puis un collège. C’est l’origine du collège privé des Cordeliers. Pendant la révolution, la chapelle dont on aperçoit le toit et la façade rue de Léhon, devient salle de la garde municipale, temple décadaire, temple de la raison et autel de la patrie. Les bâtiments sont utilisés pour la section des Sans-culottes, la milice nationale, la municipalité, comme caserne des pompiers, annexe de la prison, bibliothèque des livres confisqués aux nobles et aux religieux, atelier de tailleur, société philharmonique, justice de paix.

XIXe CONSULAT ET EMPIRE 1802 à 1813 : le collège rouvre et se développe à nouveau. Il devient lycée lors de la création de ceux-ci par Napoléon. Mais sous la RESTAURATION, vers 1815 les autorités fermeront autoritairement le Collège et rendront les bâtiments à des religieuses, les Ursulines, pour punir les professeurs (les régents) et élèves d’avoir été favorables à Napoléon.

4) Cour de l’infirmerie : Le XIXe

L’histoire est pleine de mouvement de balancier ! Ainsi le collège va rouvrir parce que des Dinannais progressistes le veulent. La réouverture se fait vers 1830 – d’abord rue de l’horloge, puis place Duclos, enfin retour rue de Léhon en 1840 à titre définitif. Le collège-lycée continue de se développer. Il est inspecté par le savant AMPERE qui est très impressionné par la qualité de l’enseignement. Déjà ! Accueillant jusqu’à 400 élèves dont 200 internes, il faut de nouveaux bâtiments vers 1880 : probablement l’entrée rue de Léhon telle qu’on la voit maintenant, la seconde partie du bâtiment d’honneur, et le bâtiment des salles C, D et E. Les marches de la cour d’honneur prennent leur aspect actuel par la destruction du mur.

Au début du XXe, les bâtiments abritent toutes les structures scolaires possibles : École primaire, École primaire supérieure, Collège, Lycée DE GARCONS ! Jusqu’à 1000 élèves dont 200 internes vivaient dans des conditions inacceptables aujourd’hui. (Il faut attendre 1906 pour que soit ouverte une école de filles qui deviendra le Collège Broussais et 1966 pour que les classes de lycées soient transférées au Lycée de La Fontaine des Eaux).

5) Façade de la SEGPA  : visible depuis l’extérieur – accès exceptionnellement autorisé : Années 1930 développement de l’enseignement technique roger vercel 266

Dans les années 1930 la ville de Dinan se développe. Un maire très entreprenant, Michel GEISTDOERFER fait construire par l’architecte Georges Robert LEFORT : la gare, l’ancien bâtiment de la Caisse d’Epargne. De la même école d’architecture René AILLERY construit l’école pratique devant laquelle nous sommes. Elle est inaugurée par Édouard HERRIOT, président du conseil. Le Principal de l’époque est Antoine GOUZE. Celui-ci connaitra un destin hors norme : il sera exclu plus tard de l’Education Nationale pour avoir refusé de donner la liste des élèves juifs et des personnels juifs de son collège. Sa fille épousera François MITTERRAND, Président de la République de 1981 à 1995.

La façade de cette école pratique est intéressante : elle est dans le même style que la gare et la poste : motifs bretons modernisés sous l’influence d’un courant artistique dit des « SEIZ BREUR » (les 7 frères). Elle montre l’importance de la formation technique. Comme les Bénédictines au plafond du réfectoire, les constructeurs affichent leurs valeurs : des outils de tous les métiers et des mots en grandes lettres : forge, école de marine, estampage, commerce …

Mais il y a trop d’élèves dans trop peu d’espace. Alors, en 1966 est créé le Lycée de la Fontaine des Eaux, à partir des classes de lycée de garçons (rue de Léhon) et de filles (Broussais). le Lycée municipal redevient Collège et prend alors le nom de ROGER-VERCEL à la demande du conseil municipal. N’oublions pas le tiret entre Roger et Vercel. Ce tiret permet de savoir que l’on ne parle pas de la personne mais d’un lieu qui porte son nom. Merci à la langue française pour son souci de précision, bien utile !

6) Bâtiment neuf : Dans les années 1990. Il est construit sur le modèle d’un navire. Circulations et hublots y font penser. Ce bâtiment longe la rue Waldeck Rousseau. Il est nécessaire pour faire face au développement de l’enseignement général mixte. Inauguré par : Mme MITTERRAND (ancienne élève et fille d’un ancien principal M. GOUZE) et Charles JOSSELIN (Ministre). Ce bâtiment ressemble à un navire avec sa forme en triangle, son étrave au nord, ses passerelles, ses hublots, ses lumières. Il ressemble aussi au Louvre avec sa pyramide de verre qui éclaire un gymnase. Avant sa construction, les cours se déroulaient dans des préfabriqués mal chauffés situés dans la cour de récréation actuelle.

7) Cour de récréation :

Depuis la cour de récréation nous avons une vue d’ensemble sur toutes les époques :

  • 1670 : Chapelle et réfectoire
  • 1775 : première partie du bâtiment d’honneur (sur les fenêtres du haut ; alternance de frontons en triangle et en lune, belles volutes de chaque côté)
  • 1880 : suite de ce bâtiment
  • fin XIXe : bâtiment avec les escaliers de secours
  • 1930 : SEGPA
  • 1990 : bâtiment neuf
  • 2010 : nouvelle entrée des élèves avec un espace entre la rue (la ville) et l’escalier (le collège), affichage du nom de VERCEL, de la devise de la République.
  • 2020 : projet de rénovation de la Segpa, du bâtiment des salles C et D …

8) Pourquoi ce nom donné au collège : Roger VERCEL ?

Qui était Roger VERCEL qui donnera son nom au collège ROGER-VERCEL ? Maintenant nous connaissons la différence entre ces deux façons d’écrier ce nom.

Ancien professeur de Lettres Classiques au collège dans les années 1930, Romancier, Prix Goncourt en 1934 pour « Capitaine Conan » qui a été porté au cinéma par Bertrand Tavernier. Auteur aussi de nombreux romans maritimes, romans d’aventure dont l’intrigue se déroule en mer à bord des derniers grands voiliers et des morutiers. Auteur aussi de roman qui montrent la vie sur les bords de la Rance et dans la région (Cancale en particulier) Vercel n’avait jamais navigué mais savait écouter les anciens marins. Son œuvre parle beaucoup de la solidarité face à la difficulté de la vie (à la guerre et en mer) Comme la littérature et le théâtre classique dont il était un fin connaisseur, ses romans mettent en scène des drames personnels (relation père – fils, jalousie, conflit entre l’honneur et l’intérêt personnel …) mais en situant les intrigues dans les paysages, les habitudes du Pays de Rance et de la haute mer. Ainsi qu’en respectant la langue des gens d’ici.

Quelques anciens élèves et professeurs (par ordre alphabétique) :

M. Benoît (maire de Dinan), Abbé Bertier (1780, fondateur des Cordeliers), F Broussais (Médecin 1772-1838), Chateaubriand (romancier 1768-1848), Pierre EGAULT DES NOES (XIX, Ingénieur, architecte des fortifications de Paris et inventeur du niveau à bulle), M GEISTDOERFER (maire en 1930), LECONTE DE LISLE (Poète 1837), NEEL DE LA VIGNE (maire et sous-préfet 1762-1851) Paul SEBILLOT (XIX Folkloriste), R SURCOUF (XVIII, Corsaire), J URVOY (peintre et graveur) et Roger VERCEL (prix Goncourt 1935) et bien d’autres …Jean Baptiste REDOULES, négociant, capitaine des pompiers, qui sera maire en 1874, Jean-Marie PEIGNE (1837 -1893) Imprimeur, journaliste, directeur de : "Le Dinannais" fondé en 1836, puis de : "L’Union libérale » de Dinan, puis de l’ « Union Libérale des Côtes-du-Nord", les maires de Saint-Juvat (M. MOUSSET) et de Calorguen (M. BERNARD), Jean-Joseph EVEN (1813-1882, avocat, sous-préfet, député) et son fils Jean-Marie, Louis LECONTE, qui sera maire de 1837 à 1947 puis député de 1849 à 1957 à nouveau maire de 1857 à 1861.

Ou encore Louis BARBE qui fut député de la Seine, Albert JACQUEMIN, maire puis député, le bâtonnier Paul AUBREE, les PRINGUE père et fils, le Docteur Jean-Marie CHAMBRAIN, conseiller général et découvreur de l’eau de Plancoët, André AUBERT, pharmacien, maire et député, le contre-amiral Jean METAYER, Pierre BOUCHER, fondateur de CETELEM, le sénateur René REGNAULT et bien d’autres.

Cette liste en dit long sur la place éminente du collège et le rôle actif de ses anciens élèves dans la vie de Dinan.

Mais il y manque les noms des femmes et des hommes aujourd’hui élèves et qui marqueront l’histoire petite ou grande.